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Argent et chômage

Les allocations de retour à l'emploi sont une avancée sociale importante. Je suis très reconnaissant envers leur création et leur existence, sinon ma vie actuelle serait compliquée. Cependant, cette situation est loin d'être idyllique financièrement pour moi, et je pense que c'est la même chose pour la majorité des chômeurs.


Avant cette période de chômage, je touchais à peine plus qu'un smic, c'est à dire environ 1200€ par mois pour mon emploi principal. Comme je donnais des cours à domicile à coté, je touchais environ 150 € euros mensuels supplémentaires. Donc 1350 € euros par mois. Mon budget est de 500€ de charges fixes (loyer, charges, assurances, mutuelle, téléphone). En plus je dépensais 200€ de courses (alimentaire, produit d'hygiène et d'entretien) et 60€ d'essence soit un total de 760€. Il me restait donc 590€ pour mes impôts, loisirs, vacances, épargne, cadeaux et toutes les autres dépenses.


Actuellement mon allocation chômage (de retour à l'emploi pour utiliser le terme exact) est de 800€ euros par mois. Je donne toujours des cours à domicile pour environ 150 € par mois mais c'est déduit à 70% de mon allocation chômage, ça me fait donc 695 (800 - 70% de 150) plus 150 € soit 845 euros de revenu par mois. Donc 500 euros de moins que en emploi, ce qui représente une part importante (37%) de mon salaire original.


Maintenant si on compare ce que je touche (845€) à mes charges fixes (500€) il me reste 345€. Il me faut toujours manger, et même si je fais beaucoup plus attention à ce que j'achète cela me coute encore au moins 120 € par mois. De même pour l'essence, je me déplace autant (j'allais au travail en vélo) donc 60€ de moins. Il reste alors 345 - 120 -60 = 165 € pour tout le reste (loisirs, impôts, vacances...). Les impôts locaux sont toujours à payer (30€ par mois), je ne paie pas d'impôt sur le revenu. J'ai donc 135 € par mois soit 1620€ par an pour couvrir ce qu'il reste.


Quelles sont les conséquences sur ma vie, en plus d'une plus grande attention quand je fais mes courses alimentaires : Les loisirs et les vacances sont drastiquement diminués, l'épargne inexistante et surtout les imprévus sont très compliqués à gérer. Par exemple le joint de culasse de ma voiture a lâché, facture de 1000 € plus 400 € de kit de distribution à changer. Soit la quasi totalité de l'argent potentiellement disponible sur une année. Si la même année vous avez une couronne dentaire à installer (900 € et que 300 de remboursés par la sécu/mutuelle) et bien ça doit attendre l'année d'après ou alors il faut puiser dans son épargne, épargne qui date de la période d'emploi puisqu'il est impossible d'épargner avec ces revenus là. On parle donc d'une situation où une couronne dentaire est un choix cornélien qui peut être repoussé d'une année. Cela m'est arrivé mais j'ai la chance d'avoir un entourage familial et amical qui est capable de m'aider financièrement et donc de m'éviter une situation très compliquée. Par contre j'ai du arrêter de voir ma psy mensuellement car cela me coutait trop cher, je réfléchis maintenant à deux fois avant d'aller manger en dehors de chez moi et je ne m'achète plus de livre ou de jeux vidéo pour le moment.


De plus, le système d'allocations, qui passe par le rectorat dans ma situation est un peu différent du système classique par pôle emploi puisque je suis indemnisé le 25 du mois suivant. Ainsi pour mon mois d'octobre, je déclare mes heures début novembre et je suis indemnisé le 25 novembre. Une fois le processus lancé, ce n'est pas un problème mais cela veut dire que le premier mois de chômage on ne reçoit aucune indemnité. Bien sur en contrepartie, le jour ou je retrouverai du travail, j'aurai droit à la fin du mois à mon salaire plus les indemnités du mois précédent mais l'écart financier produit peut poser problème. Surtout que peut s'ajouter des délais administratifs (encore une fois on finit par toucher l'argent mais il faut attendre parfois 2 mois) et une carence pouvant aller jusqu'à trois semaines (là par contre l'argent ne sera jamais perçu). Ces faits font que on commence la période de chômage avec un trou financier important, pouvant aller jusqu'à l'équivalent de 2 mois de salaires (c'est à dire trois mois d'indemnités) et qu'il faut avoir une réserve d'argent suffisante pour franchir ce "trou" car il faut toujours payer le loyer, les charges fixes et l'alimentation durant ces mois. Cela rajoute encore à l'instabilité financière du chômage.


De plus, pour augmenter mes revenus, je ne peux pas compter sur le fait de faire des "extras" (dans mon cas, donner plus d'heures de cours à domicile) puisque ceux ci sont déduit à 70% de mon allocation. Il est, bien sur, normal que les salaires des petits boulots ou des contrats temporaires durant la période de chômage soit retirés en partie de l'allocation puisqu'à partir du moment ou je reçois de l'argent pour un travail, la collectivité ne va pas me verser l'ensemble de mon allocation. Je suis complètement d'accord avec ce système, mais cela a quand même un effet compliqué pour mon budget : pour augmenter mes revenus du mois je dois passer par un emploi quasi à temps plein. Puisque si je veux augmenter de 300 euros mon revenu, je dois travailler pour gagner 900 euros puisque deux tiers seront retirés de mon allocation. Ainsi les boulots complémentaires sont beaucoup moins intéressants (du moins financièrement, il est toujours intéressant d'avoir une activité, surtout en ces périodes creuses) et il n'est pas possible de se dire que je vais faire plus d'heures en cas de besoin d'argent comme je pouvais le faire quand j'étais en emploi. Encore une fois c'est normal, mais du coup au chômage mes cours à domicile ne m'apportent plus que 50€ supplémentaires par mois alors qu'ils me permettaient un bel apport d'argent avant.


A ces problèmes d'argent au quotidien, s'ajoute les questions d'argent dans le futur. D'abord que faire en cas de gros problème demandant de l'argent comme une panne de voiture, un accident de la vie, un problème médical non couvert... comme ce fut le cas pour mon joint de culasse. J'ai pu bénéficier d'un prêt de mon entourage mais cela augmente ma dette d'une part et d'autre part, si le besoin d'argent revient plusieurs fois, je ne pourrai pas toujours emprunter. Et il est aussi difficile pour son égo de demander de l'argent à d'autres, même quand ils ont les moyens. J'ai envie d'être indépendant, autonome et capable de financer par moi même mes besoins. Je n'aime pas avoir cette impression de mendier, surtout qu'il ne s'agit pas d'une situation dont je connais la date de fin. Il s'agit d'un prêt sans date de remboursement vu qu'il m'est impossible actuellement de mettre de l'argent de coté. Ensuite, il y a la question de qu'est ce qui se passera si j'arrive au bout de mes droits à l'allocation chômage, si je passe de 800 euros à 500 de RSA, soit juste de quoi couvrir mes charges fixes ? Cette question est angoissante, car même si je souhaite retrouver un emploi je n'ai aucune idée de quand cela arrivera et donc il est possible que cela n'arrive pas avant la fin de mes droits. Et puis la solidarité de l'entourage n'est pas éternelle, elle a ses limites. Si je n'ai pas de revenu pendant longtemps, je pourrai me retrouver dans une situation personnelle bien moins confortable avec des besoins de faire des changements de logement, des sacrifices sur le téléphone ou la mutuelle, des modifications encore plus drastiques sur mes courses alimentaires.


Ma situation personnelle est désagréable et parfois angoissante. Il est vrai que quand mon joint de culasse a lâché, cela a été difficile à vivre, que quand je suis obligé d'appeler mon banquier pour augmenter mon découvert et qu'il me précise en insistant bien que ce ne sera valable que pour un seul mois, je me sens un peu honteux et désemparé, que quand arrive Noël et que je dois me limiter dans les cadeaux que je fais car je n'ai pas le budget pour, je n'apprécie pas le moment. De plus, c'est pour moi la première fois que je vis une situation de galère financière alors que j'ai eu la chance, principalement grâce à mes parents et ensuite au salaire suffisamment élevé que je touchais, de pouvoir vivre comme je l'entendais sans trop m'inquiéter de mon argent. Alors, aujourd'hui quand je dois me priver d'un restaurant ou vérifier tous les jours mes comptes pour être sur de ne pas avoir de mauvaises surprises, le contraste est fort. Mais je suis tout de même relativement protégé et dans une galère assez limitée et ce pour plusieurs raisons : d'abord mon entourage familial et amical qui a les moyens de m'aider et qui le fait sans rien me demander en retour, ensuite parce que j'ai eu la chance de pouvoir faire des études et donc que je peux plus facilement que d'autres retrouver un emploi "alimentaire", parce que j'habite en colocation dans une petite ville et donc que cela limite mes frais et parce que je suis sans enfant et bonne santé ce qui limite aussi les dépenses obligatoires. De plus je n'ai qu'a m'inquiéter pour moi même et pas pour mes enfants. Je pense que c'est beaucoup plus difficile pour les gens qui n'ont pas la même chance que moi, pour ceux qui sont dans un chômage de très longue durée, que l'entourage n'a pas les moyens d'aider, qui doivent sacrifier beaucoup plus qu'un restaurant et une séance chez le psy, qui ont des personnes à charge. Je ne décrirai pas leur ressentis à leur place mais je pense qu'ils ne méritent pas cette situation difficile et qu'ils devraient recevoir beaucoup plus de soutien de la société.


En conclusion, la période de chômage s'accompagne pour moi de difficultés financières qui entrainent un peu de stress et d'adaptation de mon comportement. Je suis, encore une fois, très heureux du système d'entraide social de la France (allocation, sécu) et il me permet de vivre, mais je pense qu'il pourrait être plus développé pour les personnes dans des situations plus difficiles que la mienne, et même si il pouvait être un peu plus confortable pour moi, je ne dis pas non. Par contre, aux personnes qui disent que les alloc sont trop importantes et que les gens au chômage en profitent, je vous propose de vivre 3 mois dans une situation financière équivalente à la mienne (il ne s'agit pas de la pire) et je pense que cela vous fera changer d'avis. Et même si vous n'essayez pas de la vivre, imaginez la déjà 5 minutes, cela vous rendra surement moins catégorique.


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