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Alors cette recherche d'emploi ?

Cette question est une question que je déteste. A chaque fois que l'on me la pose, mon pouls s'accélère, la température augmente et j'ai envie de partir. Une vraie réaction physiologique de stress, mon corps se prépare à fuir devant un danger. Cela semble exagérée comme réaction et pourtant c'est ce que je vis. Cette question est posée par la majorité des personnes que je côtoie, pas à chaque fois que je les vois mais régulièrement et à chaque fois dans un but bienveillant, un mélange d'inquiétude pour moi, de volonté de savoir si j'ai des pistes et d'envie de m'aider, soit en essayant de me motiver soit en voulant ensuite me donner des conseils.


Mes parents me la pose presque à chaque repas que je fais avec eux, le reste de ma famille quand ils me voient ou m'appellent, mes amis à chaque soirée. Et bien à chaque fois j'ai la même réaction physiologique de stress. Et à chaque fois, j'ai envie d'esquiver la question. Parfois je le fait, parfois je dis franchement que je n'ai pas envie d'en parler et souvent j'en parle en essayant de chercher ce qui est le plus positif à dire dans mes recherches récentes, ou dans mon absence de recherche récente. Alors je parle du contact que j'ai pris mais qui ne m'a pas encore répondu, de l'annonce intéressante que j'ai vu et à laquelle je vais postuler, sans dire que je n'y crois pas du tout, de l'entreprise que je veux contacter bientôt, même si en fait je la contacterai que deux semaines plus tard. Il s'agit pour moi de meubler pour ne pas (trop) montrer que cette recherche ne fonctionne pas pour le moment et que ca me déprime. Au fond de moi ce que j'ai envie de répondre c'est : "pour l'instant je suis toujours en recherche, je trouverai un jour mais ce jour n'est pas arrivé, le reste, annonce, contact, refus, CV, ce n'est pas important, ce ne sont que soit des fausses joies, soit des étapes pour arriver au but final mais jamais le but final". Vous imaginez bien que si j'avais quelque chose de vraiment positif, je n'aurai pas attendu la question pour le dire, je serai en train de servir le champagne.


Je ne souhaite pas que les gens autour de moi arrêtent de s'inquiéter pour moi, leur présence est très importante comme soutien, même si je ne le dis pas assez souvent. Et je comprend tout à fait qu'ils se posent des questions, qu'ils aient peur pour moi et mon avenir et que chacun pose cette question de manière bienveillante. Pour tout ça, je m'efforce de répondre en restant positif, pour tout ça je me prépare à cette question à chaque fois et j'évite de m'enfuir, même si mon organisme me le conseille. Je n'ai pas de solution à proposer aux autres pour montrer qu'ils s'intéressent à moi dans cette situation sans poser cette fameuse question, et moi même quand je suis face à quelqu'un d'autre en recherche d'emploi, je l'interroge à ce propos, en essayant de trouver une autre formulation mais ca revient au même. Après c'est peut être une question de fréquence, je ne demande pas à toutes ces personnes comment se passe leur vie professionnelle aussi souvent qu'ils me parlent de ma recherche d'emploi et je pense que les demandeurs d'emploi sont constamment interrogés sur leurs avancées, beaucoup plus que sur n'importe quelle autre activités.


Mais je pense que ce qui me dérange le plus dans cette question "alors cette recherche d'emploi ?" c'est qu'elle me reconfronte à une situation d'échec. Le chômage est vécu comme une situation d'échec par les chomeurs, en tout cas par moi, mais aussi par notre entourage. Je ne pense pas que ce soit un simple échec personnel et c'est plutôt une conséquence de notre société qui n'offre pas assez d'emploi pour tous, mais quand il s'agit de moi je le vis comme un échec personnel, comme si je n'avais pas fait ce qui fallait, ou que j'avais fait de mauvais choix. Et cette question me rappelle que je suis sans travail et donc en échec. De plus, la recherche d'emploi est un passage ou se multiplie les échecs. Combien faut il envoyer de CV pour être reçu en entretien, combien d'entretien pour un poste, combien de mail pour obtenir une réponse, combien d'heure de recherche sur internet pour trouver l'information qu'il nous faut. Chaque acte a beaucoup plus de chance d'échouer que de réussir et c'est donc une succession d'échec que je vis semaine après semaine, une succession de remises en question, de "je ne suis pas assez bon pour ce poste", "je ne suis pas assez interessant pour que l'on m'accorde une demi heure d'entretien", "je ne suis pas le meilleur". Et même quand je suis démotivé et que je ne fait aucune action de recherche d'emploi, c'est un échec de motivation, un échec de procrastination. Et donc quand on me demande où j'en suis, cela me rappelle tout ce que je n'ai pas fait et tout ce que je n'ai pas réussi et c'est dur à vivre au fond de soi. C'est surement ça qui me donne envie de fuir cette question. Quelqu'un qui a des soucis au travail, on en va pas lui demander tous les jours ou il en est, et si on le fait on va prendre des pincettes car on sait que c'est un sujet douloureux. Et bien on ne le fait pas avec la situation de recherche d'emploi alors que le ressenti peut être proche.


Je ne cherche pas par ce texte à ce que mon entourage arrêtent de s'intéresser à ma situation, j'essaie juste de comprendre ce que je ressens face à cette question par la rédaction de ce texte et à le faire comprendre aux autres.


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